L'AVANT G ARDE
Organe Mensuel de la Démocratie Chrétienne Indépendante
Mort de l'Abbé Daens
;V
TRIBUME LIBRE
N° 6
JUIN
v ANNÉE
Tout auteur est responsable personnellement de ce qu'il écrit.
ABONNEMENT 1 FRANC PAR AN
Administration
Rue de l'Académie, 19, au ir, Liége.
L'Abbé Daens n'est plus.
II s'est éteint doucement vendredi
14 courant a 5 heures de l'après diner.
Cette fin, quoiqu'elle fütattendue, a
produit dans tout lepaysune emotion
profonde. Ilasuccombé a unelongue
et douloureuse maladie qui clótura
une vie ou les amertumes furent plus
nombreuses que les joies.
II naquit a Alost le 18 décembre
1839, ses parents appartenaient a la
petite bourgeoisie. 11 fit ses études
au collége des Jésuites de sa ville na
tale. Un instant il eut méme l'idée
d'entrer dans la Compagnie de Jésus
et par deux fois il fit un court séjour
dans un établissement de eet ordre.
A sa sortie du grand Séminaire, il
fut successivement nommé vicaire et
professeurderhétorique a Termonde
oü il enseignat pendant 12 ans, et ou
il secréabeaucoupd'amis. Dans cette
ville il publiff meme différents ou-
vrages religieux. hmretemos >1
bora a plusiéurs journaux democra-
tes flamands. II fut aussi le collabo
rateur de la Justice sociale avec
Renkin, Carton, Lelong et Cie.
Peu a peu, il fut amené a s'occuper
des questions sociales et fut ainsi
gagné a la cause du peuple. Dés 1893
il se jeta résolument dans la mélée
des partis. Dés ce moment, sa vie
devint singulièrement agitée et il
posa sa candidatureaux élections lé-
gislatives de 1894.
Cette lutte électorale mémorable
futle baptémedu PartiDémocratique
Chrétien.
Sans doute on essaya de conclure
une entente, mais l'abbe était trop
sincère et M. Woeste trop intransi-
geant, et ce qui devait arrivé arriva,
la guerre une fois déclarée devint
sans merci.
Le nouveau régime électoral allait
done étre inauguré et le 14 octobre 1894
lAbbé Daenst se présenta avec ses
amis devantle corps électoral d'Alost.
Une liste catholique, uneliste socia-
liste et une liste démocratique chré
tienne étaien ten présence.M. Anseele
obtint 2.(174 voix, par suite d'une
erreurdu bureau principal qui oublia
de compter dans le total des suffra
ges. les voix de tout un canton, la
liste catholique fut élue. mais la
Chambre rectifia les chiffres. MM.
Woeste et VanWambeke, avec 25,403
voix arrivaient en ballotage avec M.
Daens et De Backer qui avaient ob-
tenu respcctivement 23,498 et 21,373
voix.
Le ballotage eut lieu le q Décem
bre et si M. Woeste fut éluavec 27,524
voix, l'abbé Daens battait VanWam
beke avec 26,783 suffrages.
L'élection de l'abbé futle triomphe
de la démocrarie chrétienne contre
la réaction. M. Woeste comme on le
voitne rentraita la Chambre que par
la petite porte et force lui fut méme
d'abandonner pour plusiéurs semai-
nes le siége qu'il détenait depuis 25
ans.
«Les deux inséparaoles» après s'é-
tre rencontrés sur le 'erfain de l'ar-
rondissement d'Alost allaient de
nouveau se trouver face a face a la
Chambre beige. La, M.Woeste pour-
suivit son compétiteur d'une haine
aussi implacable qu'ihcompréhensi-
ble pour arae de chrétien. II apporta
tant de fiel et de cruauté dans ses
attaques, que LeJBion du Peuple
Le Patriote ét d.'autres journaux
prirent fait et cause pjour l'abbé Daens
Aux attaques de M.Woeste cepen-
dant la riposte de l'abbé Daens ne
se fait pas attendre ét ses discours
parlementaires a'alors firent sensa
tion dans le public be ge. Son dis
cours programme "ut approuvé
par des droitiers tél-que Janssens
Ex-Député de Bruxelles Alost
Président des D C. libres de Belgique
et méme par l'Archevcque Monsei-
gneur Goossens.
Nous crovons pouvoir affimer a ce
sujet que les mémoires de l'abbe
Daens paraitront prochainement et
édifierontle public impartial.
Dés ce moment l'ouvrier chretien
croyait pouvoir compter sur un petit
nombre de députés catholiques, qui
a la Chambre prendraient hardiment
en main la défense des réformes ou-
vrières. En créant son parti, 1 abbe
Daens réva d'entrainer dansun mou
vement versla démocratie les prétres
flamands, qui. dans pertains villages
manifestaient des velléites d 111de-
pendance vis-a-vis du haut clergc et
des Seigneurs du village. Unefois
ces pré tres conquis aux idees demo-
cratiques il allait étre facile d affran-
chir les paysans flamands du joug
qui pèsait sur eux.rAussi, en descen
dant dans l'arène politique apporta-
t-il une énergie combative et une
conviction qui firent impression sur
les masses.
II nous souvient de l'avoir vu un
jour dans un petit village de la Flan-
dre Oriëntale dans un estaminet en-
vahit par les campagnards sortant de
la grand messe. Le peuple attentif
l'écoutait avec admiration.
C'est ainsi que l'abbé Daens cons-
tamment en contact avec la popula
tion ouvrière faisaient des milliers
d'adeptes convaincus.
Bien qu'il eüt toujours proteste de
son obéissance absolue aux autorités
religieuses, affirmant simplement sa
volonté de conserverTindépendance
matérielle et politique d'un bon ci-
toyen, le haut clergé le poursuivit de
son hostilité et de ses foudres.
Adolphe Daens fut calomnié,
d'honnéte hom me èlle - iiïcï& JgLs in
tentions, tout fut trainédans la fange.
Pendant ce temps, l'abbé continu-
ait la lutte avec une admirable per-
sistance. Blessé dans sa personne,
dans sa familie, poursuivi jusque
dans ses moyens d'existance avec
une violence'sans égale, il ne cessa
de faire preuve d'une volonté de fer,
que ni la méchanceté ni l'adversité
11e pouvaient emousser.
Son frère Pierre,aujourd'hui dépu-
té lui vint en aide. II n'en fallut pas
d'avantage pour déchainer contre lui
aussi les colèresdu parti conservateur.
La ligue démocratique elle-même
s'oublia jusqu'i l'expulser de son sein
sous la pression des réactionnaires.
Son attitude fut il est vrai, défen-
due par M. Renkin qui combattait
alors k ces cótés k Alost; mais. triste
retour des clioses d'ici bas, au mo
ment 011 l'abbé meurt pauvre, fidéle
ii ses convictions, ce disciple d'autre-
fois arrivé au faite du pouvoir après
avoir ren ié le programme de son chef
d'autrefois
L'abbé connut au cours de sa car
rière les joies de la popularité 11
avait le don de la sympathie, le fluide
magnétique sans lequel il n' v a pas de
tribun, et dans les rencontres oratoi-
res qu'il eut avec M. Woeste, ce
dern er eut plus d'une tois le dessous.
Enfin, le prêtre en lui fut inatta-
quable et au dessus de tout vil soup-
con.
Sa robe était vieille, usée, rapiécée
peut-être mais elle était vierge de
toute souillure.
Hélasdepuis plusiéurs années
déia sa santé était cliancelante. Une
affection cardiaqne le terrassa tl v a
quelques mois
aussi, les élections