2me Année N° 8. Dimanche 23 Février 1898 NOTRE PROCES a. LE NUMERO 10 CENTIMES. Rédaction et Administration: 12. rue des Paroissiens, 12 - BRUXELLES Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et Sa Justice Et le reste vous sera donné par surcrolt. PARAIT TOUS LES SAMEDIS ABONNËMEN I'S: AKNONCES BELGIQUE 4' page, 0,30 3 Ü2BC Trois mois, fr. 1.50 Faits-divers, 2 fr. o Six mois 3. Les annonces sont re- Douze mois 5. £ues a 1'Administration Etranger (port en sus) idu journal. Un supplément est joint a notre N* de ce jour. Les débats de notre procés ont continué le 17 février devant la 2m° Chambre du tribunal civil de Ëruxelles. L'audience est ouverte a 9 beures 10 minutes. M. le Piésident. Les plaidoiries dece procés ayantété trés longues déjè. j'espère que MM. les avocats les abrégeront aujourd'hui. M. Woeste. Je dois bien répondre a la plai- doirie de mon adversaire. M. le Président. Si je fais cette observation, c'est au point de vue du role. M. Woeste. Je tiendrai note, quant A moi, de votre observation, M. le Président. Je ne serai pas long. Je prendrai 3/4 d'heure, une heure, tout au plus. Mc Galle prend d'abord la parole pour le Den- dergalm. Voici sa plaidoirie PLAIDOIHIE DE Al. GALLE. M. Galle. Messieurs, je représente un jour nal aiostois qui est assigné a votre barre pour avoir reproduit 1'article paru dans la Justice Socialele 22 décembre 1895. J'espère que mes lionorables confrères, plusauto- risés que moi, vous démontreront que Particle de la Justice Sociale, reproduit par nous, n'a rien de repréhensible Le débat n'est du reste pas entre le Dendergalm pour qui je plaide, et la Commission des Hospices. Le procés est ailleurs. II faut cependant que je vous dise deux mots pour vous indiquer quelle est, dans le procés aciuel, la situation du journal libéral le Dender galm, et pour vous montrer également combien est peu sérieuse Paction qui nous est intentée Nous assistons a Alost, a des événements poli- liques importants. Nous y avons vu surgir, il y a 3 ou 4 années, le mouvement démocratique chrétien. Vous savez, Messieurs, que la ville d'Alost est un peu le berceau de la démocratie chré- i tienne. Nous avons vu se former ce parti, et nous I avons suivi sa propagande et ses étonnants pro- grès. Nous avons constaté, d'autre part, l'hostilité du parti catholique a l'égard du parti démocratique. Nous avons vu ce parti réunir ces forces vives pour faire une guenv, sans trève ni merci, au parü démocratique, et la presse conservatrice mener, contre le parti démocratique, et spécialement con- tre leur chef, une campagne dont la violence n'a jamais été égalée. Voici qu'en décembre 1895, se présente Paffaire de la chapelle de l'böpital. Les membres du Con- seildes Hospices avaient interdit k M. l'abbé Daens, Paccès de la chapelle de eet établissement et l'avaient momtntanément tout au moins, mis dans l'impossibililé de dire sa messe. Ces fails parurent énormes au public aiostois. On se disait que des catholiques représentant les grandes influences conservatrices d'Alost, s etaient mis d'accord pour empêcher un prêtre de dire sa inesse. Imaginez ce qu'un pareil événement devient dans une ville de province. Je n'ai pas besoin de vous décrire la stupeur produite 4 Alost par eet événement. L'affaire avait fail beaucoup de bruit dans le pays, lorsque parut Partiele de la Justice Sociale, article qui était purement et simplement la réponse du parti démocratique 4 la mesure qui alteignait M. l'abbé Daens. Vous comprendrez, messieurs, que pour nous, journalistes aiostois, des événements de ce genre ont une importance considérable. Nos lecteurs ne nous pardonneraient pas de ne pas les mettre au courant des incidents relatifs 4 une telle affaire. Nous avons done mis le débat sous les yeux de □os lecteurs. Nous avons renseigné les faits dits de la chapelle avec les circonstances qui les accompagnaient, et nous avons reproduit, k litre de renseignement, a titre documentaire, Partiele de la Justice Sociale. Nous en avens donné une tra duction, or, une traduction décolore toujours le texte primitif et en affaiblit généralement la portée. Voila ce que nous avons faitnous avons repro duit Partiele en question, mais sans appréciation, et uniquement 4 litre de renseignement. Nous n'avons pris parti ni pour les uns, ni pour les autres. Nous reproduisons Partiele sans dire si e est la Justice Sociale qui a raison selon nous, ou bien si ce sont les Hospices. Nous ne formulons aucune appréciation. Et, de fait, nous n'avons vu, dans eet article, que la critique, une critique vive. je le veux bien, mais une simple critique, d'un fait qui était tombé dans Ie domaine publicet cette critique ne visait nullement des personnes. Dans ces conditions, nous pouvons dire que dans le public aiostois, notre article n'a produit aucune espèce de scandale. Veuillez remarquer que les lecteurs des journaux aiostois sont habitués aux élucubrations de cer- taine presse, a coté desquels Partiele de la Justice Sociale parait extraordinairement pflle. Je soutiens que la reproduction faite par nous de Partiele de la Justice Sociale n'a causé aucun tort aux demandeurs. 11 serail difficile de trouver un aiostois qui se soit ému du ton de eet article. Du reste. Messieurs, nous sommes en droit de nous étonner du procés qui nous est fait par la Commission des Hospices Lors des dernières élections communales, quel- ques-uns des membres de la Commission hospita- lière étaient candidats a Alost. Eh bien Messieurs, qui a pu dire qu'a l'occa- sion de ces élections, nous ayons pris a partie l'un ou l'autre de ces membres de la Commission des Hospices en même temps candidats aux él etions communales? Qui pourrait dire que le Dend galm s'cst permis vis-a-vis d eux la möindre per- sonnalilé? Nous sommes évidemment un journal de com bat, mais nous n'employons pas le genre de polé- mique trop commun chez nous, et oü les person nalités jouent le plus grand röle. Notre journal a pris pour régie de s'abstenir de toute personna- lité et de ne jamais insulter même ses pires adver- j saires. Ces quelques motssuffiront, jepense, Messieurs, pour établir notre vraie situation dans ce pro cés. Et si les demandeurs n'ont pas voulu tenir compte des circonstances que j'expose, le tribunal i en tiendra compte a leur place et les déboutera de leur action. RÉPLIQtJE DE Al. WOEST E M. Woeste. MM., le premier de mes conlradic- teurs m'a reproché d'avoir fait, dans cette affaire, une plaidoirie politique. Jen appelle au tribunalje me suis tenu stricte- ment aux faits de la cause, et, si j'ai parlé dc M. l'abbé Daens, c'a été dans une mesure trés limitéc, et seule- ment au point de vue de l'exposé des faits de la cause. Mais, Messieurs, le reproche qui m'a été adressé n'avait pas d'autre objet que de chercher a expliquer la plaidoirie cxclusivement politique,étrangère aux faits de la cause, que Pon se proposait de faire. Du reste, c'était la un dessein de longue date, car, dans le numéro de la Justice Sociale du 5 janvier 1896, on nous annongait la plaidoirie qui serait faite. On disait Puisque ces messieurs nous demandent compte de notre indignation de chrétiens et de la révolte de nos consciences, nous prendrons soin de leur fournir des explications claires et décisives. Voil4 ce qu'on voulait faire ne pas justifler un article injustiflablc, mais chercher 4 droite et a gauchc, a détourner l'attention du tribunal de l'objet même du procés. Au cours de cette plaidoirie, les legons ne m'ont pas manqué. Je les ai regues avec l'humilité qui con- vient a un homme de mon age, se trouvant en face d'un jeune homme qui lui adresse des remontrances. Mais, dans mon infortune, j'ai une consolation c'est qu'il n'y a personne, ni au barreau, ni ailleurs, qui no soit l'objet des remontrances do M. Renkin. M. le Président. M. Woeste, veuillez ne pas prolonger les personnalités. 11 peut s'en être produit il est même regrettable qu'il y en ait eu. M. Woeste. Je souligne votre observation, M. le président. Mais, comment. M. le Président. Cette observation s'adresse 4 tous. M. Woeste. Je n'avais pas dit un mot de person- nalité a l'adresse de mes adversaires, alors qu'eux m'en ont adressé beaucoup. Je revendique le droit qui m'appartient de répondre aux personnalités qui m'ont été adressées. M. le Président. Lc tribunal vous prie de les écarter du débat. M. Woeste. J'ai une observation préliminaire a faire relativement 4 ce débat On nous ditarrière maintenant les vieilles doc trines, arrière les vieilles polémiques, arrb-re les vieux procédés. Or le procédé dont on a fait usage dans les plaidoiries que vous avez entendues a a de' n.ére audience est un procédé que j'ai vu employer par de vieux parlementaires, souvent, et par de vieux avocats, mais que pour ma part je n'emploie jamais. Co procédé, c'est le procédé des dérivatifs. Vy procé léconsiste en deux choses d'une part, on nc '.'imploie que quand on doit détendre une cause qiji ne peut pas être défendue, et on attaque l'adver- saire, d'autre part, on prépare le terrain du debat, 01; porie de ce qui ne forme pas l'objet de la discus sion, et. de cette faqon, on s'assure des succès faeiies. De quoi s'agit-il dans ce procés II s'agit d'un arli,'de qui a été écrit par la Justice Sociale, article qui rtaferme, a l'égard des membres de la Commission des Hospices d'Alost, des imputations diffamatoires et injurieuses. A-t-on cherché, Messieurs, 4 justifler ces imputa tions l Non on a dédaigné de le faire on a écarté toutejustifleation a eet égard. On a attaqné des per sonnes qui n'étaientpasreprésentées k cette audience, et des journaux qui n'étaient pas en cause. V a-t-ileudu moins,de la part de la Commission des Hospices d'Alost, dans les nombrcux documents dont on us a donné lecture, y a-t-il eu, de la part de oe> commission, des provocations k l'adresse de la Svoale •il er' part d'une soule de3 personnes jc .epreeeuuj, des injures, des uiu&uiaUu:^ k u adresse Non rien, pas un mot Je mets mes adversaires en demeure d'établir qu'il. y aurait eu, soit en dehors des documents secrets, soit dans les documents secrets, quoi que ce soit dc la part de la Commission des Hospices, quoi que ce soit qui pourraitjustiSer l'artk'r injustiflable dont ses mr-mo.-cal. ête les vicu mes Encore une fois rien absolument rien On est vcnu parler de M. l'abbé Daens a propos des faits qui sont en deliors de la cause, et sur lesquels je devrai revenir. On a parlé de son frère, M. Pierre Daens, dont je n'avais pasditun moton a parlé du "'cumiw, dont je n'avais pas dit 1111 moton a parlé de la cause démocratique, dont je n'avais pas dit un mot. Et c'est ainsi qu'on a cherché aproduire une impres sion d'opinion. Eh bien je dis ceci parlez de tout cela si vous le jugez a propos déployez-vous comme vous J'entendez, mais u'injuriez pas On a parlé de lachasseau prêtre,et l'ona prétendu qu'au fond de ce procés, il y avait cette chasse-14, et on a cherché a le démontrer. Je devrai, a mon tour, dire tout a l'heure. ce qui en est. Ce que je dois tous d'abord faire remarquer au tri bunal, c'est qu'il ne s'agit nullement dans le procés actuel, de la cbasse au prêtre, mais de la chasse aux membres de la Commission des Hospices. Voilé de quelle chasse il fallait parler c'était cela qu'il fallait chercher k justifler. Et maintenant, Messieurs, que j'ai rétabli lc débat sur son véritable terrain, que j'ai montré de quoi il s'agit, il faut ccpcndant que je dise quelques mots des dérivatifs nombreux qu'on a employés. Toute liberté a été accordée k eet égard 4 la défénse. Je dois m'cxjïliquer sur les faits dont on vous a entretenus. Et, d'abord, on a trouvó do bon goüt de me mettre en cause, 4 l'occasion d'un discours que j'a vais pro- noncé a la Chambre, en janvier 1895, et dont on a Isouligné quelques expressions. Eh bien j'aurais eu a cette époque tous les torts possibles, serait co une raison pour quel'article de la Justice Sociale dut lui-même être excusé Si on avait été juste 4 mon égard en cette circons- tance, on aurait dit que pendant des mois et des mois, j'ai été injurié, dill'amé, vilipendé dans ma personne, dans mes intentions, dans ma carrière par M. l'abbé Daens, par ses umis et par ses journaux, sans que jamais, moi, dans les discussions publiques et dans les meetings, j'ai seulement prononcé le nom de M. l'abbé Daens. Si l'on avait été juste 4 mon égard, on aurait dit que, dans cette séance do la Chambre oü j'ai prononcé le discours incriminé, j'avais été l'objet d'une attaque inqualiflable de la part de M. l'abbé Daens, a tel point qu'avant même que j'eusse pris la parole, trois de mes amis MM. le ministro de la justice, le ministro des cbemins de fer et M. Mescns, bourgmestre d'Etterbeek, avaient protesté contre le langage de M. Daens. Si l'on avait été juste, on aurait dit que j'avais été, n cette circonstance, en étatde légitime défense. La nscience publique recommit toujours le droit de eux qui se trouvent daus cette situation 14. On a parlé du Denderbode. du Stad Ninove, de la Gazette van Aeist, et de quelques autres journaux, et l'on a cherché a faire ressortir, par la lecture de cer tains extraits de ces journaux. qu'ils s'étaient livrés, dans la ville d'Alost et dans celle de Ninove, 4 une polémique violente. En citant ces extraits, on a cher ché manifestement a produirc une impression sur le tribunal et sur l'auditoire. Eh bien au point de vue du procés, je vous dis d'avance ceciEst-ce que vous pouvez établir qu'un seul des articles que vous avez cités émane d'un membre de Ia Commission des HospicesPouvez- vous établir qu'un seul des membres de cette Commis sion les a inspires Non Dés lors, a quoi bon citer tout cela Et pourquoi, s'il vous plait, faire usage, comme on l'a fait 4 la dernière audience, de polémiques qui n'ont rien 4 voir dans le procés actuel Mais ici, encore une fois, si on était juste, on ne se contenterait pas de mettre, sous les yeux du tribunal quelques extraits de journaux catholiques d'Alost et de Ninove on mettrait également sous ses yeux, des articles, des imputations, des diffamations, des inju res sans nombre émanés des journaux de M. Daens. Et alors, le tribunal serait a même d'apprécier, dans son ensemble, cette polémique. Mi is de qui done sont venus les torls? D'oü est TAptï ,*ia provocation AM surplus," vous, 'gens ue ia 'justice 'umu»s, êtes vous intervenus en quelque faqon dans cette polé mique Est-ce que vous en ave/ recu les coups Est-ce qu'un seul des journaux que vous avez atta qués ici, est-ce qu'un seul de ces journaux vous amis en cause, vous a outragés, vous a diffamés? Vous n'en pourriez citer un seul Vous n'avez jamais été mélés 4 ces polémiques alostoises. Et dés lors, encore une fois, je suis en droit de vous direVous n'avez pas Ie droit do vous préva- loir contre nous de cette polémique. Nous, membres de la Commission des Hospices, nous avons le droit de vous dire que nous sommes complètement étran- gers a tous les articles que vous avez cités. On a mis en scène M. l'abbé Daens, et on l'a, de toutes les fagons exalte. On l'a représenté sous les couleurs les plus tlattcuses, et cela dans un but mani feste ce but consistait 4 démon: ivr quel'article de la Justice Sociale était par 14 indire foment justiflé, et que l'acte de la Commission ne pouvait être expli- qué. A cette occasion, vous avez entendu des tirades nombreuses sur le prêtre. On s'cst écriéque les temps sont changésOn a vu autrefois, il y a trente ans, a la Chambre, par cela seul qu'un membre de Ia gauche attaquait un membre du clergé, a l'occasion de certaines paroles prononeées en chaire, on a vu la droite toute entière se lever et protester vivement contre les attaques parties des bancs dc la gauche. Eh bien Messieurs, ce que nous avons fait a cette époque, nous le ferions encore, si des attaques, diri- gées contre un prêtre quelconque, mettaient en cause la liberté du ministère apostolique. Mais je dois dire que j'ai trouvé une saveur parti- culière 4 ces logons donnécs, par un dc mes adversai res, 4 mes amis de la droite, dont beaucoup ont blan- chi dans les luttes, donnécs également a moi-même, alors que depuis de longues années je défends les intéréts de la Religion et la cause du clergé. J'ai combattu ainsi je ne le regrotte point de manière 4 me compromettre vis-4-vis de beaucoup de gens, de fagon a ontendre dinger contre moi, des attaques qui viennent aujourd'hui de personnes dont quelques-unes n'étaient pas encore nöes 4 des heures oü je luttais déj4. Oh oui, que les temps sont changés Ils sont bien changés. Moi même, quand j'étais jeune, je défendais déja mes convictions avec l'ardeur qui convient a mon tempérament; mais j'ai toujours gardé, vis-4-vis des anciens, la mesure qui convenait a mon age. Quoi qu'il en soit, quelle est la vérité sur cette thèse qu'on cherche 4 présenter au tribunal, et qui a pour objet de justifler, 4 tous les points dc vue, ''attitude de M. l'abbé Daens, et de rendre, ou de cher cher a rendre injustiflablc, l'acte posé par les Hos pices M. l'abbé Daens dit tous les matins ou 4 peu prés, je crois, la messe. II disait la mosse dans la chapelle des Hospices; personne n'assistait 4 cette messe. II la dit actuellement a la chapelle des Ursulinespersonne 11 n'assiste a cette messe. Quel est, en dehors de 14, son ministère apostolique? Est-ce qu'il baptise les enfants est-ce qu'il leur ensei- gnele cathéchisme? est-ce qu'il s'occupc d'ceuvres de patronage ou d'écoles? est-ce qu'il administre les sacrements? est-ce qu'il console les mourants?

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La Justice Sociale | 1896 | | pagina 1