SUPPLÉMENT.
Baes Kimpi.
Baes Kiuipe au liieu public.
Monsieur,
j'ai trop longtemps vécu pour ne pas savoir que
les haines ües dévots sont des haines implacables qui
s'exhalentfacilementen mots grossiers, en accusations
odieuses. N'ont'-ils pas appelé Pascal tison d'enfer.1
Mais en vérité je dois vous dire, sans me lacher,
qu'a mon endroit vous passez toules les hornes, et
lorsqu'il vouspluit, trois fois par semaine, méme en
temps pascal, de m'appeler ignoble, injdme, sentine
d'injures et de calomnies j'ai bien le droit, tout en
riant pour ce qui me coneerne de vos saintes colères,
de demander, pour l'édüication de vos lecteurs, que
vous fournissiez aes preuves, que vous leur appre-
niez qui j'ai injurié et calomnié?
Forcé, vieux Flamaud que je suis, de recourir
pour vous parler a un idiöme étranger, vous voudrez
bien m'excusersi juiie trouve pas sous ma plume, te
beau langage de vos rédacteurs d outre-Quiévrain et
d'oulre-Meuse. Je 11e cherche qu'a èlre compns, je
mets les points sur les 1, et mon ambition sera satis-
faite si ie parviens a me tenir a une honnèle dis
tance du patois du Nouvelliste et du putlios que
vous empruutez aux sermons.
Vous m'en voulez done bien, cher ami! et poui-
quoi? Voyons, faisons ensemble mon examen de
conscience, je vous accepte comme mon confesseur,
vous a qui tant de pécbés onldu être remis. Ai-je
jamais attaqué personue dans sa vie privee, dans ses
habitudes et ses relations de familie? A.-je cherche
a nuire a qui que ce soit, dans son commerce, dans
son industrie, dans son crédit, dans ses auctions?
Me suis-je l'ait comme vous, une ioi de 1 liiaulie el
de l'outrage? M'est-il arrivé, a votre exemple, de
travestir les opinions de mes adversaires en opinions
digues de la hart et du bagne, de présenter les plus
honuètes gens de la ville et du pays, les hommes
menie qui out élé lionorés des sulirages de leurs con-
ciloyens, comme des geus saus moeurs, saus loi 111
loi, des émeutiers, des brigands ou des iauteurs de
brigandage? At-je jamais déuoneé les entunts lre-
quentant vos écotes comme des scelérats, capables
des plus grandes monstruosités!
Non, mille fois, nonLe foyer domestique a été et
sera toujour* sacré par moi; je 11'ai fail la guerre
uu'aux doctrines coupabies ou daugereuses, aux pi e-
iugés, a l'hypocrisie, a Sexploitation manieureuse-
ment si vaste de la crédulité humaine; si parlois
des noms propres se soul trouvés sous mon fouet,
c'est qu'ils personnifiaieiil des doctrines ou des opi
nions, c'est qu'ils étaient dévoués a la publicité, par
des acles publics, par des prétentions publiques el
méme par les débats des tribunaux de repression.
J'ai appelé sur eux, non la liaitie mais le ridicule.
Tout cela est aussi loin des odieuses personnalités du
Bien public, de la Patrie, du Vlaemscke Land (ex-
Vadertander) et de voire ami ie Nouvelliste, qu'il
y a loin d'une discussion entre gens comme il faut a
une querelle de crocheleurs.
Vous ne vous sentez pas caiomnié, je suppose,
quand j'imprime que vous et les vötres vous êtes
plus Romaius que lfelges, que le Pape vous est plus
cher que le Roi, que vous mettez les eucycliques au-
dessus de la Constitution, que vous aimez la dime et
que vous adorez l'inquisition. Non, car vous vous
indigneriez si quelqu'un supposait qu ayanl d opter
entre les instructions du Pape et les lois du pays,
vous seriez capable de sacritier le Pape et d obéir
aux lois. Non, car l'enseignement des séminaires dit
que la Dime est de droit divin.j elle est dans les com-
mandements de l'Eglise et la politique seule l'a fait
effacer du caléchisme moderne, en attendant des
tempsmeilleurs. Non, car vous singez Veuillot, vous
prónez l'inquisition, vous réhabilitez Philippe II et
le due d'Albe; les suppiices de nos pères étaient a
vos yeux des rigueurs salutaires. Les Papes d ailleurs
n'ont-ils pas encourage, aulorisé les massacres des
hérétiques, glonfié el canonisé leurs bourreaux Et
vous, petits! ne pouvanl allumer des buchers, 11 avez
vous'pas répandu et vanté la spirituelle chanson qui
invilait le peuple a casser la tête aux protestants
coups de sabot?
Vous ne pouvez m'en vouloir, ce serait d'un mau-
vais cseur, pour avoir célébré vos trompettes électo-
rales de village, la tactique de vos généraux, les
réjouissantes évolutions de vos girouettes, les ca-
brioles de vos candidats, les plaisirs de la congre
gation, le talent musical de voire grosse caisse et de
votre guimbarde, les enivrements que procure le cir
que aux braves gens qui le théatre est défendu -
Serait-ce pour avoir tué Pierlala, votre cher enfant,
le fruit d< vos enlrailles, et pour avoir enterré a ses
cötés ses pales acolytes, que vous m'en voudriez?
Mais ingrat, ne leur ai-je pas rendu tous les hon
neurs qui leur étaient duset ne vous souvient-il
pas du magnifique el lugubre cortége que j'ai fait
assister a leurs funërailles?
Je n'ai pu calomnier Van Thilo ni ses pareils en
raconlant leurs exploits111 Monseigneur Delebecque
en communiquanl ie menu de ses diners, ni les jé-
suites,en cilant leurs livres. J'ai élé moins coupable
encore quand j'ai démasqué les traitres et les gens ji
double face, que j'ai donné sur les doigts vos
courtiers électoraux et que j'ai fait rentrer dans le
néant quelques médiocrilés ambitieuses.
Oü done sont mes injures et mes calomnies
Vous n'en signalerez pas. Vous savez bien que je
11e suis ni un insulleur ni un cuioinniuleur. Si je l'é-
tais, vous seriez indulgent peut-élre, a moins que
vous ne visiez au mouopole et ne redoutiez une con
currence.
Ce qui vous meten colère,je le sais et je vais vous
le dire.
C'est que le robuste bon sens gantoisait trouvé sou
organe j c'est que je rcflète hdelement les sentiments
de cette' population généreuse, qui conserve le souve
nir de son independance et de ses luitcs contre les
prêtres et les princes et qui, imprégnée d'antique civi
lisation, est plus disposée a rire de vos folies qu'a
vous infliger le inartyre. Ce qui vous met en colère
c'est que je m'applique, le ilambeau de l'hisloire
la main, a prouver que la domination du clergé a été
de tout temps la plus funeste et la plus insupportable
des dominationséi faire connaitre ce hideux passé
que vous préconisez, que vous regrettez et que vous
voudriez rebatir sur les ruines de 110s institutions.
Ce que vous ne me pardonnez pas, c'est que je ne
veux ui moiues ni couvenls, c est que je veux x-en-
voyerles prêtres. leur saint ministère at-leqc' inter-
dire, comme a des agents d'une puissance élrangère,
toute parlicipaliou a nos affaires publiques. Ce que
vous ne me pardonnez pas, c'est de prémunir les fa
milies contre le danger des captations testamentai-
res; c'est d'apprendre aux pères de familie que Edu
cation cléricale n'esl bonne qu'ë leur enlever l'affec-
tion de leurs enfants; c'est de convaincre les maris
et les pères qu'ils sont de grands niais, quand ils
abaudonnent leurs jeunes femmeset leurs filles a l'in-
timité d'un jeune confesseur. Ce que vous ne me par
donnez pas, c'est de publier dans l'occasion, et l'oc-
casion est trop frequente, les faiblesses etles ridicules
de ceux qui prétendent régenter le genre humain et
qui calomnient Dieu en disant que c'est de lui qu'ils
tiennent leur mission c'est de montrer que parfois
la soutane et le tricorne n'abritent que vices et hypo-
crisiè.Ce qui vous irrite enfin, c'est que je parle la
bourgeoisie un langage qu'elle comprendet que sans
m'égarer dans les abstractions philosophiques, je
tends a assurer le bonheur et la dignité du peuple,
par le travail et l'inslruction.
II faut que vous en fassiez votre deuil. Tel vous me
oonnaissez, tel je compte rester. J'aurai ma raison
d'ètre aussi ldngtemps que vous serez a l'oeuvre pour
miner et démolir nos institutions, pour glorifier l'i-
gnorance et la mendicité, la superstition et lesSaint-
Labre.
Si vous aviez l'esprit bien fait, vous me sauriez gré
de cette tranche explication. J'aurais pu vous dire
sentine vous méme, mais outre que les gros mots ne
me vont pas, cela n'aurait pas prouvé grand chose et
ne vous aurait pas empéchè de rester en bonne odeur
dans les séminaires et les sacristies. J'ai préféré rai-
sonner comme entre amis, dans l'espoir que vous im-
primeriez ma lettre. Je doute que vous me rendiez
ce service, mais sans rancune.
Adieu, portez vous bien. Vous avez la bil*
échauffée. Je vous conseille des calmants, du Mei-
drank et de l'eau sédative, quantum satis.
Pour legalisation
(Signé) C. De Raeve.
V. DERAKVE, Drukke r-l'itgever, Kloinan R*m, N» 1