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Supplément - La Justice Sociale - du 23 Février 1896
Des mesures sérieuses
Les mesures prises jusqu'ici ne sont done pas
suffisamment sérieuses L'interdiction de célébrer
la messe en public n'est done pas une mesure suffi
samment sévère? II va falloir que l'abbé Daens soit
suspendu
L'évêque est mis en demeure de lancer l'ana-
thème et l'excomniunication. Messieurs lescommis-
saires des Hospices veulent bien encore, pour le
moment, réserver au chef du diocèse le droit de
statuer, mais celA changera bientot et nous verrons
qu'ils s'excerceront a lever eux-mêmes la crosse et
a manier les foudres canoniques.
Et tout cela pourquoiParee que l'abbé, A la
suite des démentis que le secrétaire de. la Commis
sion, M. Crick, dans le Courrier de Bruxelles', et
son président, M. le baron Béthune, dans une
réunion parlementaire, n'avaient pas craint de lui
donner en soutenant que l'heure de 8 heures n'élait
pas imposée, paree que l'abbé. dis-je, fort de
cette assurance, s'était présenté le lendemain a la
chapelle A 6 1/2 heurts La chapelle était libre.
maïs les portes furent fermées a clef, et voila toute
la communauté en émoi. L'abbé dut s'asseoir dans
le corridor, et réciter son bréviaire, en attendant
le coup de 8 heures. II paralt que les acolytes eux-
mêmes se mirent de la partie et que l'un d eux
aurait recu une correction de l'abbé Daens...
M® Woeste. Je n'ai pas dit cela. Ce que vous
racontez la est inexact. Le fait est anlérieur au
mois de juillet
M® Braun. J'avais compris que l'incident de
l'enfant de chceur, sur lequel l'abbé seserait livré
a des votes de fait, se plagait A cette époque. Vous
dites qu'il est anlérieur. soit. Mais en touscasil
se sera agi d'une correction bien méritée, car tout
le monde, jusqu'aux petits garcons, avail été
monté, tourné contre lui. U n jour que son servant
était tombé malade, il demanda le frère. servant
de messe a la Grande Église, mais tous les enfants
de choeur recurent défei se. sous peine de renvoi,
de servir la messe de l'abbé Daens. RiresLe
fait est consigné dans le post-scriptum de la lettre
du 11 juillet.
M. l'abbé Daens manifesta-t-il quelque mécon-
tentement des vexations mesquines dont on ne
cessait de l'abreuverC'est possible, mais il y a
loin de la aux invectives que les hospices lui
prêlèrent dans leur plainte a l'Evêché. La sagesse
et la prudence du vénéré Prélat ne tinrent aucun
compte de ces doléances on maintint la messe a
huit heures. comme par le passé, et je n'ai pas
besoin d'ajouter que cette prescription tut religieu-
sement observée.
Du mois de juillet au mois de décembre, trève
compléte plus la moindre difficultépas la moin-
dre infraction au reglement, pas la plus légere
remonlrance. L'abbé Daens commen^ait a s'habi
tuer, quand le 7 décembre. sans que ie moindre
signe précurseur l'eüt averti de l'orage, il re^t la
notification ci-après
Alost, le 7 décembre iSg5.
Monsieur,
Nous avons l'honneur de vous mformer que notre Com
mission, dans sa séance du 2 de ce mois, a décidé k 1 una-
nimité de vous refuser l'entrée de notre Hópital, a partir
du i5 décembre prochain.
Cette décision a été portóe A la connaissance de son
Illustrissime Grandeur l'Evéquc de Gand et du Trés Révé-
renrt Doycn de notre ville.
1 Agréez Monsieur, l'assurance de notre estime.
t '-'.aire,- La Commission
af anD Baron P. Béthune. P. d« Clippele.
Caiiewaert. A. DeWo'.f-DeCoen
Alb. Mertens.
«I .dmirez le changement de style, le changement
de ton. n'est plus question de faire appel a ^'in
tervention de l'autoriié diocésaine, de solliciter
d'elle des mesures de rigueur. On se charge de les
prendre, on décide, on arrête, et la décision ne
sera portée A la connaissance de Sa Grandeur que
pour information
Alost, le 6 décembre i8g5.
Monseigneur,
Nous prenons la respectueuse lib rté d'informer sa Gran
deur que notre Commission, dans sa séance du 2 de ce
mois. a décidé k l'unanimité de ses membres d interdire
a M l'abbé Dams l'acccs de la chapelle de notre hópital
a partir du i5 courant.
Nous osons vous prier, Monseigneur, de bien vouloir
prendre les dispositions nécessaires pour assurer 1 exéculion
de cut arrêté, a la date précitée.
j Daignez agréer, etc.
Monseigneur est invité A assurer l'cxécutiou de
eet arrêté I
- pouvoir judiciaire ne parle pas autrement
a'u.. agents de la force publique.
Quant a M le doyen, il est chargé de 1 enregi-
strement de l'ukase
Alost, le 6 décembre 189S.
Monsieur le Doyen,
Nous avons l'honneur de vous faire parvenir ci-après
copie de la lettre qui vient d'étre adresser k Monseigneur
l'Evèque de Gand, relative a la décision prise par les Hos
pices k l'égard de l'abbé Daens.
(Suit la lettre
Veuillez agréer, etc.
A la vérité, on lui accorde huit jours pour se
pourvoir d'un autre oratoire huit de moins qu A
un domestique que l'on congédie Et M® Woeste
de vanter l'endurance, la magnanimité.la générosite
du Conseil des Hospices! Géoérosité! Qu'eussiez-
vous done fait si vous n'aviez pas été généreux
(Rires UA
1 Voila l'abbé Daens congédié, expulse de 1 Ho-
\ital. De ce fait, conclut la Justice Sociale,
li. Daens se trouve dans l'impossibililé de célébrer
V messe A Alost.
La conclusion n'était que trop fondee. 11 existe
- aautres chapelles a Alost, mais nulle part on ne
voulait de lui. II frappa a la porte des Carmelites.
Trois jours après, il recevait de la Mère prieure le
billet suivant
Monsieur,
Je ne puis absolument vous accorder votre demande a
cause des grands dérangements que cela occasionnerait a la
Ccmmunauté et au Couvent.
Agréez, Monsieur, mes respectueuses salutations.
Le 17 décembre et le 18 pas de messe.
Enfin, ce jour, 18 décembre, une communica
tion de l'Évêché lui apprit que les difficultés
étaient levées
Gand. le 17 decembre 1895.
v Monsieur l'Abbé,
Zes affaires sont arrangéesvous pourrez célébrer chez
/Carmélites.
f Agréez, etc. Le Secrétaire.
LES AFFAIRES SONT ARRANGÉES^ Ah VOUS
pensez bien. Messieurs, qu'elles ne s'arrangèrent
pas toutes seules et qu'il fallut de hautes et puis-
santes interventions.
M. Woeste a voulu en avoir le coeur net Quels
sont les personnages qui ent eu le courage et la
charité de s'entremettre en faveur du prêtre ainst
boycotté Un journal alosiois avait imprimé le
□om de l'bonorable M. Th. De Lantsheere.
M. Woeste vient d'apprendre au Tribunal qu'il a
interviewé M. De Lantsheere et que ce n'est pas
lui. C'est done quelque autre personnage, non
moins puissant, non moins généreux et que
le spectacle de cette vengeance politique aura
profondément révolté Peut être que si vous cher-
chiez bien, M. Woeste, si vous continuiez vos
interviews, vous fininez par le découvrir (Rires
La nouvelle en parvient au rédacteur de la
Justice Sociale au moment oü l'arlicle était
sous presse. Va-t-il laisser ignorer a ses lecteurs
Tissue definitive de la campagne? Aura t-il la
loyauté de les prévenir que l'arrêté d'expulsion
n'aura pas pour l'abbé Daens les conséquences
fatales qui lui avaient fait jeter son cri d'alarme
Assurément
Au dernier moment nous apprenons que par
ordr* de Mgr l'évêque de Gand, la chapelle des
Carmélites d'Alost a été ouverte A M. l'abbé Daens.
La rehtion du fait ne cesse done pas d'être scru-
puleusement fidéle, d'un bout A l'autre. Rien d'in -
venté, rien de controuvé. Oh! si pour jeter la
déconsidération sur le Conseil des Hospices, nous
avions imaginé cette histoire invraisemblable, si
nous en av onsgrossi les détails, si nous en avions
dissimulé le résultat final, vous aunez mille fois
raison de nous faire ce procés, pour avoir cherché
A vous ruiner dans ('opinion publique en accrédi-
lant sur voire compte de telles vilénies. Mais rien
n'est faux. tout est vrai, A la diflérence du procés
Hap que vous avez perdu paree que le tribunal a
jugé que vous aviez impulé faussemenl a la dépu-
tation permanente d'avoir usé de parlialité dans la
repartition des subsides
Nous sommes done uniquement poursuivis pour
avoir exercé le droit de libre critique qui appar-
tient en Belgique a tout citoyen vis-a-vis des
actes des lonctionnaires publics. Et, chose inouie
des calholiques sont attraits en justice par des
calholiques pour avoir ressenti trop vivement l'of-
fense (aite A un ministre de leur culte I
Les personnes qui nousassignentMM.le baron
Raul Béthune, Adolphe Callewaert, Albert De
Wolf, Paul de Clippele, Albert Mertens sont des
me mbres de la Commission des Hospices civils
d'Alost. Leur nom n'a pas été cité dans noire jour
nal lis se font une étrange idéé de leur notoriété
s'ils se figurent que parmi les lecteurs bruxellois de
la Justice Sociale il en existe un seul qui soit au
courant des personnalués composant ce Conseil.
L'arlicle s'adresse au corps constitué, et non A ses
membres; il a paru et il a été distribué dans une
ville a laquelle ces membres sont étrangers. Parmi
les rédacteurs de la Justice Sociale, nul ne savait
peut être leurs noms. Leurs individualités sont
hors de cause; mais c'est le corps auquel ils ap-
partiennent qui est visé et ce corps constitué une
personne civile revêtue d'un caractère public.
Les hospices sont des établissements publics
chargés d'administrer les biens et revenus destinés
par Ia loi a subvenir aux dépens d'un service
d'utilité publique.
(Pandectes Beiges, v. Hospices, N° ut.)
La Commission administrative des Hospices
est composée de cinq membres nommés par le
Conseil communal. Ibidem, N° 157.)
- Les personnes préposées a l'Administration
des Hospices nommées en vertu de la loi, par un
corps constitué, dépositaires a ce point de vue
d'une partie de l'autorité oublinoe sont fn«<-
tïoinidiiesöu toüt au moins des personnes chargees
d'un service public (Ibidem, N° 131n
Or, dés qu'il s'agit d'actes posés par une autorité
publique, vous savez combien s'élargissent immé -
diatement les droits de la presse. Les actes censurés
par la Justice Sociale ne touchent pas A la vie
privée ils émanent d'hommes publics, agissant
dans l'exercice de leurs fonclions.
M. Woeste. Ames misérables, avez-vous
dit.
M. Braun. J'y viendrai. Laissez-moi seule-
ment conclure sur ce point qusle droit dediscuter
la conduite des administrateurs des biens des pau-
vres comme de tous les mandataires légaux est en
quelque sorte illimité il ne s'arrête que la oü
commence la calomnie. L'injure elle-même est
excusée, comme une conséquence inévitable du
droit de prouver la calomnie, aussi longtemps que
l'injure se rattache aux faits incriminés.
L'aiticle 0 du décret sur la 1 resse, du 21 juil
let 1831, consacre cette tolérance en ces termes
(i La preuve des faits imputes met l'auteur de
limputation a l'abri de toute peine, sans préju-
s> dice des peines prononcées contre toute injure
qui ne serait pas nécessairement dépendante des
niêmes faits.
Ainsi, l'expression injurieuse qui découle en
quelque sorte du fait qu'elle caractéfise. qui en
forme comme la synthèse, l'injure qui blesse
l'adversaire a l'endroit même oü il s'est découveit,
oü son ante est mise a nu, cette injure inséparable
du trait qui le frappe, aucune législation ne l'a
jamais réprouvée.
D'un fonctionnaire comptable qui aurait dé-
tourné des deniers publics, il doit être permis de
dire qu'il est un malversateur de celui qui se
serait fait payer des services gratuits, qu'il est
concussionnaire dectlui qui manque a un devoir
essentiel de sa charge, qu'il est prévai icateur.
On s'est demandé si l'article 447 du code pénal,
qui reproduit l'article 5 du décret, sans en repro-
duire l'article 6, n'aurait pas abrogé virtuellement
cette dernière disposition. II n'en est rien. M. Ny-
pels l'établit péremptoirement
La preuve des faits imputés met l'auteur de
l'imputation a l'abri de la peine de la calom-
I) nie, mais cette preuve ne le met pas a l'abri de
n toute peine. II pourra être condamné a raison
des injures qui ne seraient pas nécessairement
dépendantes des faits prouvés. Ainsi s'exprime
le décret du 20 juillet 1831, dont la disposition
i) était reproduite dans le projet de code pénal.
n Elle ne se retrouve pas dans les textes du code,
paree qu'elle doit être sous-entendue ici comme
dans plusieurs autres artic'es du code.
(Nypels, Code Pénal interprété, sub. art. 447,
n° 15. p. 597.)
La presse serait-elle moins libre en Belgique,
sous la Constitution de 1830. qu'elle ne l'était en
France,sous la RestaurationPCar cette espèce d'ex-
cuse légale fut insérée pour la première fois dans
la loi du 26 mai 1810,dont M. Chassan commente
en ces termes l'article 20
Toutefois si l'injure se rattache aux faits dif-
famatoires, si elle en est indépendante, l'injure
n'est pas punissable Le bénéfice de la preuve
de la vérité des faits diffamatoires s'étend jusque
n sur l'injure, dont la vérité est par la indirecte-
tement démontrée et qui, bien que repréhen-
o sible en morale, a été jueée par le législateur
digne d'excuse. Telle est la disposition du deu-
xième alinéa précité dudit article 20... (Chas
san. t. II p. 394)
Ecoutez encore ce commentaire d'un ariêtiste
justement réputé, M. Labbé, qui annote comme
suit un arrêt de la Cour de cassation de France,
du 3 février 1877 (Pas. Fr. 1877, p 436;
Noutf ïéprouvons toute violence d'action ou de langage.
L'outiage, expression passionnée de haine ou de mépris,
l'outrage qui ne découle pas de l'appréciation des faits
licitenmat imputés doit ëtre sévèrement puni La mode
ration double la force de la vérité. La passion qui se
délivr: frem de la raison, aveugle et l'offenseur et
l'offenxé': la colère injurie et le ressentiment répond. La
société n'en recueille ni profit ni lumière, mais seulement le
trouble ct la désunion. L'art. i3 de la loi du 17 mai 1819
et l'art 6 de la loi du 25 mars 1S22 répondenl en ce sens a
un besom d'ordre public. Mais, d'un autre cöté, nous
devons réserver les droits de la critique et de l'histoire
s'exer5ant sur les actes de la vie publique; nous pouvons
dire les droits de la conscience; car il s'agit d'apprécier ces
actes. non pas seulement au point de vue de leur confor-
mité avec la justice. Imputer k crime a quelqu'un ce qui
est uu crime, signaler et flétrir les illégalités dans le cercle
de la vie publique, c'est le droit de la presse, c'est lc droit
de l'histoire. Imputer a crime ou a déshonneur un acte
juste et legal, couvrir de blérae la pure observation des
lois, flétrir l'accomplissement rigoureux du devoir, c'est
commettre une injure, un excés punissable. Entre ces deux
extremes se place la discussion des actes d'une régularité
douteuse. La bonne foi dans le fond, la moderation dans la
forme, snit les sauvegardes de l'écrivain. Tel est l'esprit de
l'article 20 de la loi du 26 mai 1819 Celui qui discule les
actes publics des fonctionnaires est ii l'abri de toute peine,
s'il ne k"s «mpu e que des faits vrais, s'il ne blesse leur
considération que par une conséquence nécessaire de la
sincèrc appréciation des faits qu'il leur impute. 11 tombe
sous la pcualité et la mérite lorsqu'il altère sciemment la
véritc l'orqu'il adresse une injure indépendante des faits
vrais par lui publiés et caractérisés.
Les principes que nous venons de rappcler ne sont pas
controversablesils sont affirmés clairement dans notre
arrêt.
Ces lignes précisent le sens et la portée de l'ar
ticle 6 du décret de 1831 et de l'article 447 du
code pénal.
M. Woeste. Nous sommes d'accord sur ce
point.
M. Braun Nous sommes done d'accord que
les injures dépendant du fait imputé au fonction
naire sontcouvertes, comme la divulgation du fait
lui-même., dans un intérêt supérieur d'ordre
public
Dès lors, de quoi vous plaignez vous
Admettons que des expressions irritées et irri-
tantes, cinglantes, même outrageantes, que nous
reprendrons tout a 1 lieure par le menu, se soient
glissées sous la plume du rédacteur de la Justice
Socialeexcèdent-elles la mesure qui vient d'être
fixée, et si elles sont blessantes, ne le sont-elles pas
moins par elles-même que par la vérité qu'elles
expriment On dirait vraiment qu'indifférents a
l'accusation d'avoir mis leur autorité au service
de leur rancune, les demandeurs soient moins
sensibles au fond du reproche qu'a la forme dans
laquelle le blame leur est décernéQu ils fussent
jaloux de leur honneur, je le comprendrais mais
ce que je comprends moins c'est qu'on supporte
si mal des piqures d'amour-propre quand on porte
si facilement le poids d'une mauvaise action.
II faut que les fonctionnaires n'aient pas l'épi-
t> derme trop sensible, écrit M. Scjiiiermans, au
torne %remier de son code de la Presse (p 1-11)
Le- vw&y&jflfeila
11 sur le 1 i iHsa.it en 1859 - II n'est pas un hora-
I ue. pas un bourgmestre, un conseiller
n communal ou provincial qui, plus ou moins
vivement attaqué, au lieu de faire appel a ses
pairs, ne se réfugié plus ou moins honteuse-
ment dans un procés civil, oü la presse la plus
honnête finit par succomber.
i> Un homme politique qui a occupé dans notre
i) pays de hautes fonctions, faisait allusion a ses
paroles, dans la préface d'une brochure relative
a un procés de presse Ce ne sont pas les
- commités qui se réfugient honteusement dans
les procés civils Ceux la, forts de leur con-
science et de leur talent, redoutent peu les
attaques, et les attaques même méchantessui -
vant l'exemple des hommes d'Etat d'Angleterre,
-ils restent impassibles devant les écarts les plus
excessifs d'une presse libre. Ma s les ennemis
des journaux, ceux qui se saississent avec em-
- piessement de la facultéque leut laisse la juns-
prudence actuelle ce sont les médiocrités vani-
„teuses, les nullités administiatives, les tyran-
naux de petites villes(rires) ceux la s'indignent
a lamoiiiire égratignure, ils cnent a labomina-
n tion et au sacrilège dès qu'un journal ne se pros-
terne pas humblement devant leur génie ïncom-
pris et dans leur extréme irritation, ils vont
entretenir de leurs déboires politiques les tnbu-
naux civils...
Tyrannaux! Précisémentle qualificatif dont s'est
servie la Justice sociale.
Sommes-nous toujours d accord, avec mon
honoré confrère, sur cette citation comme sur la
précédente (Rires.)
L» fait est done lü. pas de discussion possible
sur sa matérialité, pas de discussion non plus sur
sa nravilé. Mais oir plaide sa légitimilé. Les
demandeurs, dit-c n. avaient le drost de faire ce
qu'ils ont fait. D'abord, paree qu ils onl la gestion
des Mens des Hospices, paree que la chapelle,
comme tous les bdliments qui constituent les
Hospices d'Alost, sont places sous leur admims-
tration.
Et l'on cite monsieur Lentz, comme si nous
soneions discuter leur droll de police et comme
st la facullé qui leur apparlient de disposer en
maltres des locaux de 1 etablissement justifiart
l'usaee qu'ils en ont fait.
On aioute que l'abbé Daens n a qu 4 s en pren
dre a lui-mêrne de s'Ètre mis dans ce mauvais cas
et d'avoir appelé l'orage sur sa iele par ltnconsi-
déralion et la véhémence de ses attaques. Que les
attaques .I'ii déja dit que depu.s le 17 |u,l e
pendant les quatre mors qu. su.eirent, tl ne sétait
élevé aucun nuage; l'ordre n'ava.t pas elé trouble;
la consigne n'ava.t pas eté violée. Rien. Mais a
la séance de la Chambre des represenlanls du
IQ novembre, au cours d'un débat absolument
élranger a toute question personnelle, locale ou
électorale M l'abbé Daens s'étant permis a I adresse
de M Woeste cette interruption inoffensive loirs
combattez des moulins d vent. celui-ci avait riposte
Ce n étaient pas des moulins a vent que nous
combat'ions dimanebe dernier a AlostEt voila
l'abbé Daens piqué au vif.
Ah 1 ['imprudent 1 le naif, comme 1 a appelé
M Rcnkin, se laisser ainsi attirer a 1'improviste,
sur un terrain choisi, par un adversaire arme de
'°Entrain?par le lentateur (rires). le voila debout,
important, lancant son apostrophe fameuse
Le triomphe des conservateurs d'Alost a été
le triomphe de la fraude, de la violence et de
I'orgie
Cette fois, le feu était aux poudres II avait fait
la partie belle a son adversaire qui ne le lichera
plus, qui se met d protester, qui le somme de
s'expliquer, qui répand de l'huile sur lefeu.
Certes, peu d'hommes auront rendu d leur reli
gion et A leur pays plus et de plus éclatants services
que M. Woeste; l'Eglise et la Nation lui doivent
une égale reconnaissance, mais je dois le dire ici,
le débat qu'il a provoqué sur les élections alostoises
n'était digne ni de sa haute personnalité ni de la si
tuation considérable qu'il occupe a juste litre au
sein du Parlement.
M® Woeste. Je dois défendre mes amis et je
les defends.
Me Braun. Ne vous élevez pas contre des
éloges qui partent d'un coeur sincere.
M° Woeste. Je vous répète que je dois défen
dre mes amis.
M le Président. Veuillez ne pas interrompre
M® Woeste.
M® Braun. Oui, vous devez défendre vos
amis, mais cela amène M. Daens a défendre les
siens. Mis en demeure de préciser, il arlicule,
séance tenante, un certain nombre de griefs dont
deux visaient les Hospices
Tous les assistés de la ville d'Alost ont dü se
faire accompagner par les employés des Hos
pices
Tous les locataires et pensionnaires des Hospi
ces ont dü exprimer des votes imposés.
Ceci se passait le 19 novembre.
Plus tard, a la séance du 3i janvier 1896, s'en-
gagera un débat approfondi l'abbé Daens
entrera dansle vifil exposera que 13g électeurs
ont été accompagnés d'un guide et que les 36 vieil-
lards des Hospices ont tous été conduits au bureau
n° 3, oü le receveur des Hospices, M. Edouard
Boon, prenant leurs lettres de convocation et leurs
bulletins, allait voter en leur lieu et place.
Mais sans attendre jusque lè, sans laisser a l'ac
cusation le temps de prendre corps, dèsle 2 décem
bre, le sanhédrin se rassemble et fiappe d'ostracisme
1 auteur de cette intolérable incartade.
Ce n'était pas seulement leur droit, dit M.
Woeste, c'était méme leur devoir de se déoarrasser
d'un trailre de ne pas soufftir huit jours de plus
sous leur toit un homme qui les décnait en plcine
Chambre, de ne pas garder parmi eux un adver
saire ouvertement déclaré de leur politique com
munale.
Mon Dieu 1 les patrons quirenvoient les ouvrierS
dont le vote leur déplait ne tiennent pas un autre
langage. - Nous irions entretenir de notre argent
des idéés subversives et salarier des gens qui
conspirent contre nous avec les conservateurs
ou avec les socialistes -
Ainsi parlaient. au lendemain des élections
d'octobre, certains chefs d'industrie dont les abus
d'autorité ont soulevé une reprobation unanime et
n'ont pas même trouvé giüce au sein de leur pro-
pre conseil d'admimstraiion I
Nous irions maintenir en place des fonction-
naires qui nous ont fait la guerre et dont nous
- n'avons a attendre aucun service_poJitiruie !---
vant trés naturel de proclamer, par un cruel
euphémisme, la vacance a breve échéance de tous
les emplois communaux. Eux aussi se vantaient
d'être en état de légitime défense, ce qui n'a pas
empêché Ia presse de tous les partis de flétrir un
tel acte d'intolérance du nom de scandale d'En-
ghicn.
Pratiques inhumaines et révoltantes I Privé- un
ouvrier de son pain, priver un fonctionnaire de sa
place, priver un prêire de son autel par pure ven
geance politique, qui osera défendre ce qu'une
telle conduite a de méprisable et d'odieux
Cela est surtoutindélendablequand lesactesdont
011 pretend tirer une si basse vengeance sont cou
verts par l'immuniié parlementaire.
Vous en parlez a votre aise aujourd'hui,
M' Woeste, des immunités parlementairs. Vous
en parliez moins légèrement il y a une douzaine
d'années, quand vous vous faisiez condamner a
5o francs d'amende pour avoir refusé de prêter
serment et de donner les explications que vous
demandait la justice. Vous placiez alors si haut
cette prerogative conslitutionnelle que vous
n'admettiez pas même qu'un tribunal vousinterro-
gcAt sur les circonstanccs d'un fait que vous aviez
dévoilé A la tribune nationale. Et dans d'autres
circonstances, ne vous est-il jamais arrivé de vous
retrancher derrière votre immunité pour vous
permeltre des appréciations auxquedes il ne vous
aurait guère été possible de vous livrer ailleurs
sans inconvénicnl
Mais voila l'inviolabilité, c'est bon pour soi
quand il s'agit des autres, ce n'est plus qu'un objet
de raillerie et une armure fêlée A travels laquelle
on peut librement frapper son adversaire au coeur.
Vous savez mieux que moi. Messieurs, que
l'immunité parlementaire a été instituée par l'arti
cle 44 de la Constitution pour mettre les manda
taires de la nation, chargés de contróler la gestion
de ses affaires et les actes des pouvoirs publics, a
l'abri de toutes espèces de déboires et de vexations,
non seulement d'une perquisition ou d'une pour-
suite judiciaire, mais de toutes tribulations, par
exemple de celle qui consiste a être mis sur le
pavé par une administration inhospitahère dont
on aurait, même sans mesure, critiqué les agisse-
ments.
a Art 44. Aucun membre de Tune ou de
l'autre Chambre ne peut être poursuivi ou recher-
n ché a l'occasion des opinions et votes émis par lui
dans l'exercice de ses fonctions.
II en résulte, disent les Pandectes beiges (voir
Immunités parlementaires, n" 15) non seulement
que le représentant ou le séhateur ne peuvent
jamais être renvoyés devant unè juridiction pénale
du chef des opinions qu'ils ont développées ou des
votes qu'ils ont émis, mais encore qu ils ne peu
vent être inquiétés d'aucune manière a leur
sujet.
Cet article n'a fait d'ailleurs que sanctionner un
principe dont l'origine remonte a la Joyeuse
Entrée du Brabant
Lorsque Sa Majesté fera convoquer les Etats
i) du Brabant d'Outre-Meuse. porte l'article 42 de
la Charte, cliacun pourra y dire librement son
opinion, sans pour cela encourir l'indignation
ou la disgrace de Sa Majesté ou de quelque
•1 autre en aucunefaqon.
Voila l'indépendance des membres des Etats
respectée et honorée.
Or, je vous le demande, Messieurs, que devien-